Miss U

Si le manque amoureux paraît romantique, notre société de consommation nous préserve de plus en plus de la moindre sensation de manque, comme s’il était inentadable de manquer de quelque chose de nos jours. J’ai découvert que maintenant nous pouvons automatiser la commande des produits manquants par des petites pastilles ou enceintes connectées, qui veulent nous protéger de l’absolu horreur du fait de “manquer” ! 

Il me semblait pourtant que dès notre jeune âge, la majorité des parents, avaient pour mission d’apprendre aux enfants, cette leçon de ne pas avoir tout ce qu’on voulait au moment où on le voulait. Autant une personne qu’un objet n’était pas à disposition de son bon vouloir, apprenant à la fois la patience, le respect, et l’effort pour obtenir quelque chose. En tout cas, dans mon éducation et dans ma manière de voir la vie..
Mais la société de consommation ne l’entend pas de cette oreille, et ne souhaite surtout pas que vous développiez votre patience ou votre sens critique. “Vous ne pourrez plus vous en passez”, un slogan parmi tant d’autres pour montrer à quel point l’addiction est bien l’objectif pur et simple des stratégies de marketing.

Des stagiaires m’ont raconté ne pas pouvoir s’empêcher d’acheter un habit qui leur plaisait même si elle n’en avait ni le besoin, ni l’argent pour le payer. L’une d’entre elle me disait un jour, résignée, “de toutes manières, je vais le voir un jour, si j’arrive à ne pas le prendre, je vais rentrer chez moi je ne vais penser plus qu’à ça, et le lendemain je retournerai l’acheter”.

Depuis quand des adultes ne peuvent pas accepter de ne pas avoir quelque chose, jusq’au point de n’être obnubilé que par ça ? Et si je parle autant d’objet que de relations, c’est pour dire qu’effectivement il y a peut-être plus de liens que l’on ne pense entre un besoin de possession et un non-respect de la personne humaine.

Pour certains, ce manque ne peut être supporté, car il est synonyme de privation. La privation a forcément marqué nos histoires familiales plus ou moins fortement, notamment avec nos grand-parents qui avaient vécu la guerre. Je pense que pour certains, suite à de grandes périodes de privation, il était juste impossible de se priver encore ou de priver ses enfants. Pour d’autres, cette privation n’a peut-être pas été vécu si difficilement, et elle permet justement de mieux apprécier ce qui est là, ce que nous pouvons avoir.

Je me souviens lorsque j’étais adolescente, j’économisé pour m’acheter une cassette ou un CD. Et finalement, c‘était un vrai plaisir : un temps à rêver du CD en question, un vrai moment pour l’acheter et pour le savourer, à l’écouter pendant des mois. Je garde un souvenir tout particulier de cela. C’est comme savourer un verre d’eau fraîche après une marche en plein soleil, manger après un gros effort, dormir après une longue journée.

Finalement refuser de se priver, nous prive de l’intensité de ses petits bonheurs. Le manque n’est pas à bannir de notre vie, sachons-le le cultiver, et nous cueillerons alors la patience, et la gratitude.

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